Le 15 décembre au Zénith de la ville de Lille, en France, a eu lieu un événement qui a fait vibrer toute la Polynésie Française à près de 18 000km de là : le sacre de Vaimalama Chaves, jeune beauté de nos îles de 24 ans. Elle est devenue Miss France 20 ans après Mareva Galanter, son illustre prédécesseur. Un sacre source d'un immense enthousiasme pour les Polynésiens, qui ont rendu hommage à leur Miss par milliers lors de son retour durant les fêtes de fin d'année.

Quelles ont été tes premières impressions après ton sacre de Miss France ? As-tu réalisé tout de suite ce qui venait de se passer ?
Vaimalama Chaves : Franchement, comme pour Miss Tahiti, c’était la confusion la plus totale. Beaucoup d’émotions… Il est difficile de mettre des mots sur ça parce que c’était vraiment très intense. Je n’ai pas réalisé que j’étais Miss France même lorsqu’on m’a passé l’écharpe et mis la couronne… C’est difficile à expliquer… Je ne trouve pas les mots pour dire à quel point c’était génial, réellement fantastique. Je crois qu’on ne réalise pas vraiment en fait car le changement ne vient pas de nous, on reste la même personne, c’est le regard des autres sur nous qui change. Donc s’en rendre compte est vraiment dur. Même aujourd’hui encore, c’est utopique.
Le meilleur souvenir de cette soirée ?
Mes meilleurs souvenirs c’était avant que tout commence quand, avec les filles, nous étions encore en train de nous encourager mutuellement. Nous étions toutes sur les escaliers, c’était le moment. Allez, ça commence, on y est, c’est là… Ensuite, il y a eu les deux fois où on a appelé Tahiti, quand on a été dans les douze puis dans les cinq dernières candidates. Et puis au moment du final, quand j’étais en train d’attendre avec Ophély (Miss Guadeloupe, sa 1re dauphine, NDLR) qu’on donne le nom de la Miss France élue.
Très vite, tu as été happée par un flot de nouvelles obligations ; comment l’as-tu vécu ?
Je considère qu’une Miss France est forcément très sollicitée. Je savais donc qu’à la suite de l’événement j’allais être très demandée sur les plateaux télé, dans les radios, pour des interviews, que les gens allaient chercher à me connaître et même à percer tous mes secrets. Ça m’a inspiré beaucoup de fierté, en premier lieu parce que c’étaient à chaque fois des occasions de parler de la Polynésie à une échelle nationale. Et pour le reste, quand faut y aller, faut y aller !
On t’a vue rapidement très à l’aise dans les médias métropolitains que tu as même bluffés avec tes nombreux talents… Comment as-tu ressenti l’accueil et étais-tu si à l’aise que tu en donnais l’impression ?
Les gens étaient très accueillants en réalité. Je pense que c’est dû au statut de Miss France, mais ça s’est très bien passé. J’y vais telle que je suis, sans me cacher, sans artifices, du coup ça se passe bien.
Dans quel état d’esprit es-tu aujourd’hui, quelques semaines seulement après ton élection ?
Je suis nostalgique en repensant à tous les événements que nous avons vécus avec les autres candidates de Miss France. Elles me manquent énormément. D’ailleurs on reste en contact, on se parle et on s’écrit quotidiennement. Il y avait une très bonne cohésion entre toutes les filles de la promotion, on s’entendait toutes bien. Même si j’avais évidemment plus d’affinités avec certaines qu’avec d’autres, ça s’est toujours très bien passé. Je leur envoie plein de photos de la Polynésie et elles ont toutes envie de venir ici. Elles connaissent toutes déjà la destination de par le mythe du paradis qui a été diffusé largement. Du coup, je leur dis : organisez un événement, essayez de faire un événement marketing qui serait une bonne source de publicité pour la société (Miss France, NDLR) avec un partenariat… et puis venez quoi !

Même s’il y a assez peu de chances que la Polynésie puisse sortir un Zénith de terre d’ici à l’année prochaine afin d’y organiser l’élection Miss France 2020, on peut néanmoins projeter autre chose…
T’attendais-tu à l’extraordinaire accueil qui t’a été réservé lorsque tu es rentrée au Fenua pour les Fêtes ? Qu’est-ce qui t’a le plus touchée ?
Je savais que l’accueil serait chaleureux mais je ne m’attendais pas à ce que les gens soient aussi nombreux. Autant à l’aéroport qu’à la parade. Surtout qu’à la parade, il a fait super chaud ! Les gens sont restés debout tout au long de l’événement et j’étais réellement émue de les voir si nombreux à être venus me soutenir et me montrer leur joie et leur fierté par rapport au fait que j’avais ramené la couronne. Le fait de pouvoir partager autant avec la Polynésie est ce qui m’a le plus touchée.
De quoi vont être faits les prochains mois ? y a-t-il des expériences que tu aimerais particulièrement vivre ?
Les programmes sont tellement lourds, tellement intenses que je ne peux pas les assimiler trop en avance, donc on me donne les informations au fur et à mesure : c’est plus simple pour moi.

On le sait, tu es une jeune femme qui aime se fixer des challenges ; quels seront les prochains ?
Le challenge, il est désormais quotidien quand on voit la charge de travail attachée au statut de Miss France. Le challenge que je me suis particulièrement imposé en prime, est de terminer l’année avec l’image d’une Miss France qui se sera vraiment investie dans des causes importantes pour elle, qui sont l’éducation, le développement personnel et la lutte contre l’obésité. Et je souhaite aussi que les gens retiennent de moi l’image d’une Miss cool, chaleureuse, sociable, abordable, que tout le monde peut approcher, et à laquelle les gens peuvent s’identifier. Le chalenge est encore réellement quotidien et c’est celui que je compte assumer jusqu’à la fin de mon année de règne.
Miss Tahiti : 60 ans de célébration de la beauté des vahiné
Assurée dès la fin du XVIIIe siècle, la représentation édénique des vahinés Tahiti a nourri un mythe qui ne s’est pas démenti jusqu’à nos jours. Comme le tatouage ou la danse, interdits dès les années 1820, la représentation publique des Polynésiennes a pourtant été fortement bridée par les missionnaires protestants qui les ont longtemps obligées à porter des vêtements amples afin de cacher leur silhouette. Il faudra attendre les années 1950,et la renaissance des danses traditionnelles pour que leur féminité puisse s’exprimer plus librement. En 1956, Madeleine Moua créait son groupe de danse, Heiva, révolutionnant le Tiurai (aujourd’hui Heiva i Tahiti, festival de juillet, créé en 1880). Celle-ci posait alors les bases du ’ori Tahiti, la danse tahitienne établissant un parallèle significatif entre balancement des hanches et mouvement des vagues.

En 1960, une dizaine de jeunes femmes se présentaient au tout premier concours de Miss Tahiti. Et depuis bientôt soixante ans, cette élection emblématique qui a gagné le cœur des Polynésiens permet à nos vahinés de représenter la Polynésie française au prestigieux concours de Miss France, voire pour certaines, de participer à Miss Monde ou Miss Univers. Désormais, cette élection constitue un grand rendez-vous de l’année, inscrit en lettres d’or dans l’agenda culturel et médiatique polynésien et il est même devenu une institution. Ce concours fait en effet l’objet d’une pré-sélection, chaque commune rivalisant pour que « sa » miss devienne l’heureuse élue.
L’élection de Miss Tahiti est un hommage à l’élégance et au charme naturel de la femme polynésienne. Mais, plus qu’une miss, c’est une ambassadrice que les Polynésiens élisent ainsi chaque année en mai ou juin. Parmi les critères de sélection établis par le comité Miss Tahiti et auxquels doivent souscrire les candidates, l’on trouve en effet le désir de représenter son Fenua (son pays), l’attachement à la culture polynésienne, ou encore le respect de toutes les communautés qui forment la Polynésie française. Si, explique-t-on sur le site Internet du comité, « historiquement, miss Tahiti est l’une des plus belles femmes du monde, elle se doit aussi d’être un symbole de la gentillesse, de la douceur, de l’élégance et de la beauté ». Un pari réussi si l’on en croit les résultats du concours Miss France qui a vu une dizaine de Miss Tahiti être coiffées de cette couronne prestigieuse ou arborer l’écharpe de l’une de ses dauphines. Six d’entre elles ont ainsi été élues Miss France : Marie Moua Tapare, Miss France hors concours en 1965, Edna Tepava en 1974, Thilda Fuller en 1980, Mareva Georges en 1991, Mareva Galanter en 1999, et la dernière en date et non la moindre, Vaimalama Chaves (Miss Tahiti 2018), en 2019. Depuis 2013, nos miss ont trusté les titres de dauphines avec le titre de 1re dauphine en 2013, 2014, 2015 et le titre de 2e dauphine en 2016 et 2017. On comprend l’impatience des Polynésiens à voir l’une d’entre elles emporter à nouveau le titre suprême, ce que Vaimalama a brillamment réalisé en décembre 2018. Avec six Miss, Tahiti est le deuxième comité, après celui de Paris, à avoir remporté le plus de titres de Miss France. On l’aura compris, la beauté féminine est particulièrement adulée et célébrée en Polynésie française depuis l’élection de Teuira Teura (devenue épouse Bauwens), en 1960, hélas décédée à 82 ans en juin 2015. Depuis, elles ont été 58 jeunes filles (pas d’élection en 1967) à monter sur le podium jusqu’à l’élection de 2018.

Première Polynésienne à monter deux fois sur un podium international, Marie Moua a été classée 4e dauphine de Miss Monde et 3e dauphine de Miss International en 1965. Elle travailla ensuite au service du tourisme et fut conseillère municipale de la ville de Punaauia sur la côte ouest de l’île de Tahiti. Élue Miss Tahiti en 1979, Thilda Fuller était la 50e Miss France en 1980, mais elle se retira après trois jours de règne pour des raisons personnelles. La couronne revint donc à sa 1re dauphine, Miss Jura. Cependant, un titre avait été spécialement créé pour elle, celui de Miss France Outre-mer. Elle a, par la suite, été finaliste à Miss Univers 1980, mais sous l’écharpe de Miss Tahiti. En juin 2007, elle a été élue à l’Assemblée de Polynésie française. La couronne est parfois revenue à la famille de l’une d’entre elles.
Ainsi, Edna Tepava, Miss Tahiti 1974, est la tante de Mareva Georges, Miss France 1991. On notera aussi que Leiana Faugerat, actuelle directrice du comité Miss Tahiti, est quant à elle la fille de Moea Amiot (épouse Faugerat), Miss Tahiti 1975. Pour certaines, cette élection fut un tremplin pour une carrière internationale. Mareva Georges, Miss Tahiti 1991 et Miss France 1992, était membre du jury de l’élection de Miss France 2004. Épouse de Paul Marciano, propriétaire et créateur-designer de la célèbre marque Guess, elle défila pour les marques de son mari. Elle fait aujourd’hui la promotion touristique de Tahiti aux ÉtatsUnis. Elle est aussi animatrice d’une émission à la télévision américaine sur les sports de glisse. Elle est enfin une femme engagée dans diverses actions caritatives. Mareva Galanter, Miss France 1999, est quant à elle devenue chanteuse, actrice, animatrice et mannequin.
Source : Magazine Reva Tahiti
Interview : Virginie Gillet
Texte : Claude jacques-Bourgeat
Photos : Grégory Boissy, Heiarii Tuihani, Christian Durocher