Les polynésiens qui visitant les Etats-Unis ont souvent deux priorités : le shopping à Los Angeles et le jeu à Las Vegas ! Pourtant, à mois de deux cent kilomètres de « L’enfer du jeu » existe un lieu qui vaut largement le détour : la Death Valley, la Vallée de la Mort, zone désertique aux paysages impressionnants. Visite.
Votre humble guide a été le seul homme à traverser cette Death Valley en plein été, à pied, et en être ressorti vivant… En sept jours, par des températures dépassant les 80 °C au sol, il a couvert 225 kilomètres, là où l’être humain « normal » meurt de déshydratation en moins de 3 heures… Je vous rassure, c’est un endroit superbe et sans risques… si vous y allez entre octobre et avril et si vous suivez scrupuleusement les consignes des Park Rangers, surtout en été. La Death Valley est le plus grand parc naturel américain, devant celui de Yellowstone, avec une superficie de 13 354 km2 (treize fois la taille de l’île de Tahiti !). J’ai sélectionné pour vous deux itinéraires-découverte, un « classique » et l’autre beaucoup plus sportif. Les deux nécessitent deux jours « d’exploration » mais si vous ne voulez qu’y passer, choisissez dans le premier les sites qui vous intéresseront le plus.

Vous pourrez ensuite quitter la Death Valley, soit par la zone de Bad Water sur la route 178, puis plein sud sur la 127 en direction de Baker et son thermomètre géant, et vous filez alors sur Los Angeles par l’ennuyeuse Interstate 15, soit par la route de Stovepipe Wells – la 190 – vers Olancha et la 395 qui redescend vers LAX, bien plus intéressante que la 15 car vous allez longer la Sierra Nevada couverte de neige avec le mont Whitney qui vous domine de ses 4 400 mètres. Dans la petite localité de Olancha, si vous n’êtes pas dans l’urgence, arrêtez-vous dans ce motel le long de la route qui a la particularité de louer des… teepee indiens, c’est dépaysant et pas très cher. Il y a plusieurs point d’accès pour le parc national et le plus facile en venant de Las Vegas est de sortir par la route 160 en direction de Blue Diamond et Pahrump. Faites-y le plein car l’essence dans la vallée est très chère ! Sortez de la ville pour tourner à gauche sur la 190 en direction de Death Valley Junction. La route va commencer à descendre et vous aurez l’impression que les montagnes avoisinantes s’effondrent dans cette énorme cassure. Bien sûr, la température fait le contraire : si vous y allez en été, il est fortement déconseillé de toucher la carrosserie de votre véhicule !

Donc, dans le premier itinéraire, vous allez tourner à gauche, direction Dante’s View. En une vingtaine de kilomètres la route bien goudronnée va vous remonter à 1 600 mètres sur un point de vue qui englobe une grande partie de la vallée. Juste spectaculaire ! C’est sur ce parking, qu’un soir d’octobre 1965, je suis arrivé en escaladant cette partie des Black Mountains en venant de Bad Water avec un sac de trente kilos sur le dos après dix heures d’ascension exténuante, en laissant tranquilles les serpents qui se chauffaient au soleil. Quelques kilomètres plus loin, ou plus bas comme vous voudrez, tournez à gauche pour découvrir l’incontournable site de Zabrisky Point, sans doute le plus photographié du parc. De nombreux films y furent tournés dont un épisode de Star Wars.
Si vous n’êtes pas très pressés, remontez un peu pour prendre la piste du Twenty Mules Canyon, ce n’est pas long mais assez original avec ses collines de boue et de limon veinées et ravinées sans le moindre brin d’herbe. La route continue de descendre et vous allez passer près de l’imposant Furnace Creek Inn (fermé en été) construit dans les années vingt au charme désuet, à la piscine olympique et aux prix conséquents… Puis, vous atteignez le niveau de la mer et le Furnace Creek Ranch entièrement rénové avec son golf 18 trous, son musée en plein air conservant d’antiques wagons ayant transporté le borax qui était extrait de la Death Valley (les fameux « twenty-mules »), une locomotive prête à reprendre du service et bien d’autres objets issus des différentes ruées de la fin du XIXe siècle. Le site est entouré d’une grande palmeraie produisant de succulentes dattes en vente à la boutique. Juste à côté se trouve l’incontournable Death Valley Museum avec ses show gratuits relatant l’histoire et la géologie de la région. Vous y trouverez des animations et une bibliothèque extrêmement bien fournie dont mes livres en français et en anglais : Défi à la Vallée de la mort et Defying Death Valley. C’est là que vous payerez votre incontournable « fee », en fait un droit d’entrée, de 30 dollars comme dans tous les parcs américains.
Après déjeuner si vous en avez la force, poussez jusqu’à Stovepipe Wells et ses belles dunes de sable blond. Dépassez légèrement la station pour monter sur la gauche à Mosaic Canyon. En très peu de pas vous allez entrer dans un tortueux couloir de roches polies composées principalement de marbre qu’il fait bon caresser car, vieilles de trente millions d’années. Le dernier orage eu lieu dans les années 1970, peu de temps après que j’eusse emprunté ce canyon au cœur de l’été 1966 pour rejoindre beaucoup plus haut la mine d’or fantôme de Skidoo. Demi-tour pour remonter vers Scotty’s Castle (un hôtel fermé pour cause de réparations suite à des inondations) et surtout Ubehebe Crater, âgé de quelques milliers d’années. Il est issu d’une explosion magmatique au contact de la nappe d’eau qui s’y trouvait. Vous pouvez dévaler les 180 mètres de profondeur en quelques minutes, mais la remontée va vous faire tirer la langue !

Tout près, se trouvent quelques petits cratères qui vous donnent l’impression d’être sur la Lune. Vous aurez juste le temps de regagner votre chambre, soit à Stovepipe Wells soit à Furnace Creek Ranch, et vous relaxer dans leur piscine aux eaux de source à trente degrés. Deuxième jour, de Furnace Creek, partez plein Sud vers Badwater et prenez la West Side Road (piste) à une dizaine de kilomètres pour vous rendre à un endroit où l’on peut « admirer » le célèbre Devil’s Golf Course et ses aiguilles de sel. Retournez ensuite sur la route et tournez sur le sens unique d’Artiste’s Palette. Sur 8 miles vous allez assister à une débauche de couleurs plus incroyables les unes que les autres que nous offre la nature dans son immense diversité. À la sortie, tournez à gauche vers Badwater avec une belle route qui continue à s’enfoncer dans cette fracture géologique pour « culminer » à 87 mètres sous le niveau de la mer. Vous pourrez voir sur la paroi la marque des –282 feet below sea level. Pour la petite histoire, c’est de là que je suis parti pour rejoindre Dante’s View et qu’au cours de ma deuxième expédition j’ai traversé l’étendue salée de l’Amargosa River en juillet 1966 pour aller au point le plus bas situé à quelques kilomètres du spot fréquenté par des millions de visiteurs. J’y ai ressenti un malaise profond et étant pris de vertiges j’ai consulté mon thermomètre de four qui indiquait 198° Fahrenheit, soit 87 °C ! Les rangers m’avaient prévenu : « mister marquant, si vous tombez, on ne pourra pas venir vous secourir, nous n’avons pas le même entraînement que vous. » Cool ! Enfin… « Hot » ! Là, je me dois d’ouvrir une parenthèse concernant le record de température sur Terre. Il est écrit partout que le 10 juillet 1913 à la station météo de Furnace Creek (altitude au niveau de la mer) le thermomètre afficha 134° F soit un peu plus de 57 de nos degrés - sous abri (donc à l’ombre) et à 1 m 50 du sol. Quand on sait que la température continue à monter lorsqu’on descend, on peut dire sans beaucoup se tromper qu’il y avait 4 à 5 degrés supplémentaires à Badwater. Les 58 ° du record d’El Azizia en Lybie sont dépassés !

J’en ai parlé plusieurs fois avec les Rangers et ils sont d’accord avec mes déductions… La route redescend par la 178 vers Shoshone, du nom de la tribu amérindienne qui occupa les lieux durant quelques centaines d’années. Bifurquez à droite sur la 127 si vous ne voulez pas retourner à Las Vegas. À quelques miles de là, arrêtez-vous à Tecopa Hot Spring où l’on trouve des bains d’eau chaude très minéralisée. Hommes et femmes séparés car les maillots sont laissés au vestiaire ; un peu comme les onzen japonais sans le décor naturel qui caractérise ces derniers. Il faut ensuite continuer par une route qui vous permettra de rejoindre la localité de Baker, terminant ainsi votre excursion dans ce joyau naturel américain.
Source : Reva Tahiti Magazine
Texte : Jean-Pierre Marquant
Photos : Jean-Pierre Marquant, P. Bacchet