Le Voyage autour du monde, qui dépasse largement le style et les sujets d’intérêt d’un simple capitaine de navire, doit beaucoup à la personnalité de Bougainville dont le destin fut, à bien des égards, exceptionnel. Les aléas de sa carrière étant trop nombreux pour être ici évoqués, on renverra à deux ouvrages récemment parus : Le fabuleux destin du comte de Bougainville, Philippe Prudhomme /éditions Te Ite/mai 2018 et Bougainville arrive à Tahiti il y a 250 ans, 1768-2018, Corinne Raybaud/eBook/2018
Né en 1729 à Paris dans une famille bourgeoise – son père, notaire, est anobli en 1741 – Bougainville s’engagera dans une carrière militaire qui le mènera de mousquetaire au grade de vice-amiral ! Louis-Antoine, qui a fait des études de grec et de latin, s’intéresse à l’histoire naturelle et au droit. Érudit, son savoir dépassait de beaucoup celui de la moyenne de ses contemporains. On lui doit, à 25 ans, un Traité du calcul intégral. Il s’intéresse à la cosmographie, à la science astronomique. En 1795, il est chargé d’organiser le Bureau des longitudes. Bilingue, il parle anglais. Il est même intronisé membre de la Royal Society de Londres.

S’il a certainement lu le roman Robinson Crusoë, écrit par Daniel Defoe et publié en 1719, ce voyage a été préparé avec l’assistance de l’auteur de l'Histoire des navigations aux terres australes (1756), Charles de Brosses, et des membres de l’Académie des sciences. Cette compilation de tous les témoignages antérieurs avait pour objectif d’inciter les ministres de Louis XV à porter leur attention sur le Pacifique. Il connaît aussi le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), texte « révolutionnaire » et alors contesté, et même censuré, de Jean-Jacques Rousseau qui remet en question un certain ordre établi. Cette culture universelle et une rigueur mentale due à son éducation ne l’empêchent pas d’être un séducteur, à l’image des personnages de la haute société qu’il fréquente depuis sa jeunesse. Mais Bougainville est aussi un homme d’armes qui n’est pas un militaire de salon.

Louis-Antoine de Bougainville participera à une douzaine de voyages transatlantiques, notamment au cours de la guerre où s’affrontèrent Anglais et Français pour la possession du Canada, durant laquelle il fut élevé au rang de colonel d’infanterie et… adopté par une famille amérindienne. On le voit ensuite intervenir dans la Guerre d’indépendance (1775-1783) au côté des insurgés américains, toujours contre les Anglais. C’est le début d’une carrière qui le mènera, avec des hauts et des bas, à servir sous deux rois : Louis XV puis Louis XVI ; à traverser la période révolutionnaire française (en évitant de justesse la guillotine…) pour terminer sa carrière avec le titre de vice-amiral. Grand officier dans l’ordre de la Légion d’honneur, il est nommé comte d’Empire sous Napoléon en 1808, trois ans avant son décès. Signe de la reconnaissance de la Nation, son corps fut transféré au Panthéon.
Une commémoration symbolique du 250e anniversaire de l’arrivée de Bougainville
La Marine nationale, en partenariat avec la commune de Hitia’a, sur la côte Est de Tahiti, a choisi la date symbolique du 17 mai, « Journée du marin », pour commémorer le passage historique de l’expédition de 1768, il y a 250 ans, sur cette même côte. Pour l’occasion, le bâtiment multimission B2M Bougainville (photo ci-après), de retour d’opérations dans l’archipel des Tuamotu, a fait escale le long du littoral, à quelques encablures de la passe Tapora, encore appelée passe de la Boudeuse, du nom de la frégate du roi que commandait le comte Louis-Antoine de Bougainville. La compagnie Air Tahiti Nui, partenaire de cette opération, a permis la venue à Tahiti pour l’occasion de l’un des descendants, depuis six générations, de l’illustre navigateur. Le baron Jean-François de Bronac de Bougainville, qui avait rejoint le B2M à Fakarava, dans les Tuamotu, est descendu symboliquement à terre, depuis une baleinière. Accueilli par de nombreux écoliers et des habitants de Hitia’a, il s’est ensuite dirigé vers la stèle érigée en 1968 en mémoire de son ancêtre, à l’initiative de la Société des études océaniennes, pour le bicentenaire de l’arrivée de Bougainville et de son expédition.


Pour les 250 ans de ce passage historique, la stèle a été réaménagée par des soldats du Régiment du service militaire adapté (RSMA- Pf). Cette nouvelle disposition a été inaugurée par l’arrière-arrière… petit-fils de Bougainville en compagnie du capitaine de frégate et commandant de la base marine de Papeete, Joffrey Guerry, et du maire de Hiitia’a o te ra, Dauphin Domingo.Le public a ensuite été invité à rejoindre la petite darse de Hitia’a où étaient dressés plusieurs chapiteaux. L’occasion d’écouter les explications de l’historienne Corinne Raybaud et de découvrir l’exposition itinérante organisée depuis avril par Tahiti Tourisme. L’occasion enfin de rejoindre la pirogue traditionnelle Fa’afaite, à quai en escale depuis le 13 mai pour initier les élèves du district à la navigation ancestrale.
Rédaction : Claude Jacques Bourgeat